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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/244

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peinture charmante du plaisir que j’allais avoir à entendre la confession d’une jeune fille timide qui n’aurait pas laissé de donner à son tempérament les petites satisfactions qu’il aurait exigées d’elle. Je fus au confessionnal prendre possession de mon poste.

On dit qu’un grand philosophe avait la faiblesse de rentrer chez lui et d’y rester toute la journée, quand, en sortant le matin, une vieille était la première personne qui s’offrit à ses yeux. Si l’exemple du philosophe avait été une règle pour moi, j’aurais sur-le-champ déserté le confessionnal ; cependant je tins bon, et je m’armai de courage contre l’ennui véritable que devait me causer la confession d’une vieille qui se présenta pour ma première pratique.

J’essuyai patiemment un déluge de balivernes, que je payai par des maximes de morale si consolantes, par un patelinage si adroit que ma vieille, charmée, m’aurait sur-le-champ donné des marques de sa satisfaction, si heureusement le grillage ne s’était trouvé entre nous. Mais pour me dédommager, elle me voua un attachement à l’épreuve de toutes les tentatives que les autres directeurs pourraient faire pour la détacher de moi. Je lui passai son transport en faveur du profit que j’en pourrais tirer, car lui voyant un air aisé, je la mis sur-le-champ dans la classe de ces vieilles douairières dont le Père Siméon m’avait parlé. Allons, dis-je en moi-même : Bon pour plumer. Pour cela, il fallait sonder le terrain. Elle était grande babillarde ; je la mis adroitement sur le chapitre de sa famille. Grandes invectives d’abord contre un traître de mari, qui portait ailleurs un bien qui lui appartenait. La bonne dame paraissait blessée dans l’endroit sensible. Autres invectives contre un fripon de fils, qui suivait l’exemple de ce mari per-