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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/61

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Toinette, qui lui souriait et me paraissait écarter les cuisses pour laisser apparemment le passage plus libre aux doigts libertins du paillard moine.

Toinette avait de son côté une main sur la table, mais l’autre était dessous et rendait vraisemblablement au Père ce que le Père lui prêtait. J’étais au fait : les plus petites choses frappent un esprit prévenu. Le révérend Père chopinait de bonne grâce ; Toinette lui répondait sur le même ton : ses désirs parvinrent bientôt au point d’être gênés par notre présence ; elle nous le fit connaître en nous conseillant, à ma sœur et à moi, d’aller faire un tour dans le jardin ; j’entendis ce qu’elle voulait nous dire. Nous nous levâmes aussitôt et leur laissâmes, par notre départ, la liberté de faire autre chose que glisser les mains sous la table. Jaloux du bonheur que notre départ allait les mettre en état de goûter, je voulus encore essayer de venir à bout de Suzon sans le secours du tableau que je devais offrir à ses regards. Je la conduisais vers une allée d’arbres, dont l’épais feuillage faisait une obscurité qui promettait beaucoup d’assurance à mes désirs. Elle s’aperçut de mon dessein, et ne voulut pas m’y suivre.

— Tiens, Saturnin, me dit-elle ingénuement, je vois que tu veux encore m’entretenir de cela ; eh bien, parlons-en.

— Je te fais donc plaisir, lui répondis-je, quand j’en parle ? Elle me l’avoua. Juge, lui dis-je, ma chère Suzon, par celui que mes discours te donnent, de celui que tu aurais…

Je ne lui en dis pas davantage : je la regardais, je lui tenais la main que je pressais contre mon sein.

— Mais, Saturnin, me dit-elle, si… cela allait faire du mal ?