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Je jouissais d’avance, en allant à l’appartement de la Supérieure, de la confusion que j’allais lui causer en lui montrant le godmiché. Je la trouvai seule ; je l’abordai d’un air libre :

— Je sais bien, lui dis-je, Madame, qu’après ce qui s’est passé hier et l’affront que vous avez voulu me faire, je ne peux plus rester avec honneur dans votre couvent. (Elle me regardait avec surprise et sans me répondre, ce qui me donna la liberté de continuer.) Mais, Madame, sans en venir à de pareilles extrémités, si j’avais fait une faute, — et c’est de quoi je ne conviens pas, puisque la violence que l’indigne Verland me faisait, m’ôtait la liberté de me défendre — vous auriez pu vous contenter de me faire une réprimande ; quoique je ne l’eusse pas méritée, je l’aurais soufferte, et je me serais bornée à gémir sans me plaindre, puisque les apparences parlaient contre moi.

— Une réprimande, Mademoiselle, me répondit-elle alors sèchement, une réprimande pour une action comme la vôtre ! Vous méritiez une punition exemplaire, et sans les égards que nous avons pour Madame votre mère, qui est une sainte dame, vous…

— Vous ne punissez pas toutes les coupables, interrompis-je vivement, et vous en avez dans le couvent qui font bien autre chose !

— Bien autre chose ! reprit-elle ; nommez-les moi, je les châtierai.

— Je ne vous les nommerai pas, lui répondis-je, mais je sais qu’il y en avait une parmi celles qui m’ont hier traitée avec tant d’indignité.

— Ah ! s’écria-t-elle, c’est pousser trop loin l’effronterie ! c’est pousser la corruption du cœur et le dérèglement de l’esprit jusqu’où ils peuvent aller ! Juste ciel !