Aller au contenu

Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 76 —


joindre la calomnie aux actions les plus criminelles, accuser les plus saintes de nos Mères, des exemples de vertu, de chasteté et de pénitence, quelle dépravation de cœur !

Je lui laissai tranquillement achever son éloge, et quand je vis qu’elle s’arrêtait, je tirai froidement le godmiché de dessous ma robe, et le lui présentant :

— Voilà, lui dis-je du même air, une preuve de leur sainteté, de leur vertu, de leur chasteté, ou du moins de l’une d’elles !

J’examinais pendant ce temps-là le visage de notre bonne Supérieure. Elle me regardait, elle rougissait, elle était interdite : ces témoignages involontaires ne me laissèrent pas douter que le godmiché ne fût à elle ; j’en fus encore plus convaincue par son ardeur à me l’ôter des mains.

— Ah ! ma chère enfant, me dit-elle (la restitution que je venais de lui faire m’avait réconciliée avec elle), ah ! ma chère fille, se peut-il que dans une maison où il y a tant d’exemples d’édification, il se trouve des âmes assez abandonnées de Dieu pour faire usage d’une pareille infamie ? Ah ! mon Dieu ! j’en suis toute hors de moi. Mais, ma chère fille, ne dites jamais que vous avez trouvé cela : je serais forcée d’user de sévérité, de faire des recherches, et je veux prendre le parti de la douceur. Mais vous, ma chère enfant, pourquoi voulez-vous nous quitter ? Allez, retournez à votre chambre, je raccommoderai tout ; je dirai qu’on s’est trompé. Comptez sur mon affection, car je vous aime beaucoup. Soyez sûre qu’on ne vous en verra pas de plus mauvais œil, malgré ce qui s’est passé. Je vois bien qu’effectivement nous avons eu tort de vous traiter comme cela : vous n’étiez pas coupable. Je parlerai sur le bon ton à