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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/99

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causa cette promesse n’égala pas celle de m’être trompée dans mes soupçons ; il me rendait la vie. Charmée des assurances qu’il me donnait, je fus curieuse de savoir quel était ce moyen qu’il prétendait employer pour me délivrer de mon fardeau. Il me dit qu’il voulait me donner d’une boisson qui était dans le cabinet de son maître, et dont la Mère Angélique avait fait l’expérience avant moi. Je voulus savoir ce que le Père Jérôme pouvait avoir de particulier avec cette Mère. Je la haïssais mortellement, parce qu’elle avait paru une des plus animées contre moi le jour de l’aventure de la grille. Je l’avais toujours prise pour une vestale ; que je me trompais ! D’autant plus sévère qu’elle savait mieux déguiser son caractère vicieux, qu’elle voilait sous des apparences de la vertu ses inclinations corrompues, elle était en intrigue réglée avec le Père Jérôme. Martin m’en apprit toutes les circonstances. Il me dit qu’en furetant dans les papiers de son maître, il avait trouvé une lettre où elle lui marquait qu’elle se trouvait, pour l’avoir trop écouté, dans le même embarras où je me trouvais pour avoir trop écouté Martin ; que le Père lui avait envoyé une petite fiole de cette liqueur dont je devais user ; que la Mère, en recevant le présent, avait parue transportée de joie, et qu’il en avait trouvé une seconde lettre par laquelle elle marquait à son vieil amant que la liqueur avait fait merveilles ; qu’on n’avait plus aucune incommodité, et qu’on était prête à recommencer.

— Ah ! mon cher ami, dis-je à Martin, apporte-moi dès demain de cette liqueur : tu me tireras de toutes mes peines !

Et portant mes vues plus loin, je crus que par le moyen de ces lettres je pourrais servir ma vengeance