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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/81

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dit un mot que je n’en eusse profité, et n’aurait pas fait une peinture que n’y eusse joint la représentation au naturel. Son dessein n’avait pas été d’y venir. Que devais-je penser de cette résistance ? Comment l’accorder avec ce que je venais d entendre ? Ah ! si j’avais pu lire dans son cœur, que je me serais épargné d’inquiétudes ! Résolu à suivre mon dessein, mais en garde contre une précipitation qui aurait pu effaroucher Suzon, je pris autrement mes mesures. Je cherchai dans le récit même qu’elle venait de me faire des armes pour la combattre. Je lui demandai d’abord indifféremment si la sœur Monique était jolie. — Comme un ange, me répondit-elle, et une fille qui possède ces charmes est toujours sûre de plaire. Sa taille est fine et bien prise ; sa peau est d’une blancheur, d’une douceur parfaites ; elle a la plus belle gorge du monde, le visage un peu pâle, mais joli et formé de façon que les plus belles couleurs lui conviendraient moins que cette pâleur ; ses yeux sont noirs et bien fendus ; mais, contre l’ordinaire des brunes, elle les a languissants ; il n’y reste qu’assez de feu pour faire juger qu’ils seraient brillants si elle n’était pas si amoureuse. — Tu me rends compatissant pour elle, dis je à Suzon. Sa passion pour les hommes la rendra malheureuse. — Désabuse-toi, répondit Suzon, ce n’est que depuis peu, comme je te l’ai dit, qu’elle a pris le voile par complaisance pour sa mère. Le temps de prononcer ses vœux n’est pas encore venu ; son bonheur