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Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/82

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dépend de la mort d’un frère, l’idole de sa mère. Il court grand risque de ne pas vivre plus longtemps que sa sœur ne le souhaite. On l’a déjà blessé à Paris dans un bordel… — Un bordel ! eh ! qu’est-ce que cet endroit ? demandai-je à Suzon, par pressentiment sans doute de ce qui devait m’y arriver un jour. — Je vais te dire, me répondit-elle, ce que j’en sais de la sœur Monique qui connaît tout ce qui a rapport à ses inclinations. C’est un lieu où s’assemblent des filles tendres et faciles, qui reçoivent avec complaisance les hommages des libertins, et se prêtent à leurs désirs, sous l’espoir de la récompense. Leur penchant les y mène, le plaisir les y fixe. — Ah ! m’écriai-je en l’interrompant, que je voudrais être dans une ville où il y eût de ces endroits-là ! Et toi, Suzon ? Elle ne dit mot, mais je compris par son silence qu’elle ne serait pas plus cruelle qu’une autre pour son tempérament, et que ce plaisir aurait autant d’empire sur son cœur que sur celui de ces filles tendres que l’empressement des hommes érige en idoles publiques. Je crois, ajoutai-je, que la sœur Monique irait là aussi volontiers que son frère. — Assurément, me dit-elle ; cette pauvre fille aime les hommes à la fureur ; l’idée seule l’en enchante. — Et toi, petite friponne, tu ne les aimes donc pas ? — Je les aimerais, me répondit-elle, si ce que l’on fait avec eux n’était pas si dangereux. — Tu le crois ! lui dis-je ; il ne l’est pas tant que tu le penses. Pour faire