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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/275

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grès de remplacer les instruments naturels par des instruments artificiels, le bâton par le fusil, le cheval par la locomotive, la lumière du soleil par la lampe électrique et sa chaleur par le poële.


II

SI LA CRÉATION D’UNE MONNAIE DE PAPIER ÉQUIVAUT À UNE CRÉATION DE RICHESSE ?

Les hommes qui les premiers ont eu l’idée de créer de la monnaie de papier[1], se flattaient par là d’accroître la richesse générale, de la même façon que s’ils avaient découvert une mine d’or ou réalisé le Grand-Œuvre de la permutation des métaux rêvé par les alchimistes.

Sous cette forme l’idée était évidemment absurde, car elle suppose une création de richesses ex nihilo. Et pourtant on l’a trop tournée en ridicule, car il est très vrai que l’émission d’une monnaie de papier peut accroître dans une certaine mesure la quantité de richesses existant dans un pays. Mais de quelle façon ? C’est Adam Smith qui le premier en a donné l’explication. Il fait observer que la monnaie métallique qui circule dans un pays est un capital improductif et que la substitution de la monnaie de papier, en rendant disponible ce capital, permet de l’utiliser et de lui donner un emploi productif. C’est ainsi, dit-il dans une comparaison restée célèbre, que si l’on trouvait le moyen de voyager dans les airs, on pour-

  1. Qui a inventé la monnaie de papier ? On ne sait. Elle était connue en Chine de temps immémorial et le voyageur Marco-Polo au XIVe siècle en avait rapporté la description. L’antiquité nous a laissé maints exemples de monnaies, sinon de papier, du moins de cuir ou d’une valeur purement conventionnelle, que l’on appelait monnaies obsidionales, parce qu’elles avaient été en général émises dans des villes assiégées, pour suppléer à la monnaie métallique qui faisait défaut. C’est le financier Law qui a fait le premier sur une grande échelle, en 1721, l’émission de la monnaie de papier : tout le monde sait à quelle catastrophe aboutit son système.