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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/317

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portations vient s’ajouter le solde débiteur résultant des intérêts à payer. Il se trouve ainsi acculé progressivement à la banqueroute. Telle a été l’histoire, par exemple, du Portugal, de la Turquie, etc[1].

Il est vrai que l’économie politique enseigne que toute importation provoque tôt ou tard une exportation correspondante. Mais cette loi, en l’admettant même comme démontrée, ne suffit pas pour rassurer les protectionnistes. En effet il résulte de la démonstration que nous avons donnée (p. 289-90) que si toute importation détermine fatalement une exportation de retour, elle le fait par le moyen d’une hausse du change, d’un drainage du numéraire et d’une baisse générale des prix. Or, ce sont là autant de faits très fâcheux pour un pays. Ils s’aggravent singulièrement si le pays a recours à l’emprunt pour payer. Enfin ce n’est pas tout de poser en principe que le pays paiera en marchandises : si en échange d’objets de luxe il doit exporter le nécessaire, par exemple les richesses qui peuvent être employées comme capitaux ou celles qui peuvent servir à l’alimentation de sa population, il n’y a pas réciprocité de situation quand bien même il y aurait égalité de valeurs.

4° Enfin le protectionnisme fait valoir cet argument fiscal que les droits de douane sont le meilleur des impôts puisque c’est l’étranger qui les paie. Un pays ne doit donc pas hésiter à y recourir puisqu’il trouve l’avantage non seulement de protéger son industrie, mais de se procurer des ressources qui ne coûtent rien à sa population[2].

  1. C’est dans le même sens que le vieux Caton disait : Patrem familias vendacem, non emacem esse oportet (De Agricultura). La loi de Moïse dit (Deutéronome, XV, 6) : « Mets soigneusement en pratique le commandement que je te prescris aujourd’hui.. Tu prêteras à beaucoup de nations et tu n’emprunteras point : ainsi tu domineras sur beaucoup de nations et elles ne domineront point sur toi ». Il est vrai qu’il s’agit là du prêt et non de la vente ; mais cela revient au même, car le pays vendeur finit par devenir le pays créditeur.
  2. Jamais cet argument n’a été exprimé d’une façon plus naïve, on pourrait dire plus cynique, que par les Américains. On pourra en juger par cet extrait d’un discours déjà ancien d’un M. Lawrence, contrôleur du Trésor aux États-Unis : « Par notre tarif douanier, nous informerons le