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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/318

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III

CRITIQUE DES ARGUMENTS PROTECTIONNISTES.


Des quatre arguments que nous venons d’indiquer, plusieurs n’ont pas grande valeur et ne sont que spécieux.

Reprenons-les.

L’argument de la concurrence produit toujours un grand effet. Le libre-échange doit être, semble-t-il, une lutte à armes égales, et si l’une des deux parties est dans des conditions d’infériorité marquée, la lutte cesse d’être équitable. Mais voyez quelle singulière déviation a subi cet argument !

Autrefois on disait : il faut protéger les faibles contre les forts, les jeunes contre les vieux ; c’est ce qu’on appelait la protection tutelle. On faisait remarquer que les industries naissantes ont à lutter contre de grands désavantages. Il ne leur est pas facile de tenir tête à des industries déjà anciennes, en possession de vastes marchés, et qui, grâce à l’étendue de leur production, peuvent pousser au dernier degré les perfectionnements de la division du travail et de la production sur grande échelle. La lutte est d’autant plus difficile que dans ces pays neufs les salaires sont plus élevés et les ouvriers moins expérimentés. On sait bien qu’il n’est pas facile de faire pousser de jeunes arbres dans le voisinage des vieux, parce que ceux-ci ayant déjà accaparé toute la lumière du ciel et toute la sève du sol, ne leur laissent guère la place d’étendre leurs racines ni leurs branches.

    manufacturier étranger qu’il peut écouler ses produits chez nous, mais qu’il lui faut payer ce privilège. Il est ainsi forcé de réduire ses prix et ses profits et de contribuer à la formation de ce revenu qui nous permet d’acquitter notre dette publique et de servir des pensions à nos soldats mutilés ou blessés pendant la guerre civile. Ceci est de la justice distributive, puisque de la sorte nous forçons l’Angleterre et la France de prendre leur part des dépenses d’une rébellion qu’elles avaient méchamment encouragée » ! (Cité par l’Économiste français, 1882, 1er volume, p.411).