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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/401

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pas toujours existé. Ce n’est que peu à peu que la propriété s’est ainsi élargie : à ce point de vue elle a accompli la même évolution progressive que quant à son objet. Et le titre de gloire des Romains, au point de vue juridique, c’est justement de lui avoir conféré ce caractère souverain qu’elle n’avait point eu jusqu’alors — et que d’ailleurs elle devait perdre en partie sous l’influence des lois germaniques, pour le regagner dans notre droit moderne issu de la Révolution.

Voici, autant qu’on peut le conjecturer, dans quel ordre la propriété s’est enrichie successivement de ses attributs essentiels :

1o Le premier vraisemblablement a été le droit de faire valoir son bien, c’est-à-dire de l’exploiter par le travail d’autrui, le plus souvent autrefois travail d’esclaves, éventuellement travail d’hommes libres salariés. C’était l’attribut le plus noble puisqu’il permettait de se dispenser d’un travail personnel.

2o Le droit de donner paraît avoir été un des modes les plus anciens de disposer de la richesse — du moins pour les objets mobiliers — et antérieur même au droit de vendre (Voy. ci-dessus, p. 204). Et en effet, si le propriétaire a le droit de consommer une chose pour sa propre satisfaction, pourquoi n’aurait-il pas le droit de la faire consommer a un autre ? S’il peut la détruire, pourquoi ne pourrait-il pas la donner ? Le plus noble et le plus enviable privilège du droit de propriété n’est-ce pas de pouvoir en communiquer aux autres le bienfait ?

3o Les droits de vendre et de louer paraissent n’avoir apparu que beaucoup plus tard. Aristote, au ive siècle av. J.-C., déclare que c’est là un attribut nécessaire du droit de propriété, mais n’a pas l’air de dire que de son temps déjà cet attribut fût généralement reconnu. En effet, il y avait beaucoup de raisons pour qu’il ne le fût pas. D’abord tant que la propriété est sous la forme familiale et sous le sceau d’une consécration religieuse — ce qui était le caractère de la propreté antique — l’aliénation n’est pas possible et en tout cas constitue un acte impie de la part d’un membre quelconque de