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Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/524

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nous exposerons dans le chapitre suivant et qui l’ont dégagée peu à peu de la communauté primitive pour la constituer sous la forme de propriété individuelle et libre, de plus en plus semblable à la propriété des objets mobiliers, et lui ont fait suivre pas à pas, dans ses transformations successives, les progrès de l’agriculture et les développements de la civilisation.

D’une part, l’accroissement de la population a mis les hommes dans la nécessité de pratiquer une culture plus intensive pour obtenir de la terre une quantité de subsistances de plus en plus considérable.

D’autre part, on a senti la nécessité, pour stimuler le travail, d’assurer au cultivateur un droit non seulement sur les produits de sa terre, mais sur la terre cité-même comme instrument de son travail droit d’abord temporaire, mais de plus en plus prolongé à mesure que les progrès de la culture ont exigé des travaux de plus longue haleine, et qui a fini par devenir perpétuel[1].

  1. Le droit aux fruits emporte le droit au fonds pendant un certain temps du moins. Il faut bien laisser à celui qui a fait les semaines le temps de faire la moisson. Il faut bien six ou sept ans avant que celui qui a planté la vigne fasse les vendanges, et il faut un demi-siècle avant que celui qui a semé le gland puisse couper le chêne. Remarquez d’ailleurs que, même dans les cultures annuelles, pour peu qu’elles soient perfectionnées, il y a des travaux (engrais, amendements, drainages, irrigations) qui ne pourront être récupérés que par les récoltes successives de dix, vingt, peut-être de cinquante années. Il est pourtant indispensable de laisser à celui qui les a faites la possibilité de se rembourser sinon on peut tenir pour certain qu’il ne les fera pas.
    Toutefois il est permis de penser que si la propriété foncière n’a d’autre raison ni d’autre but que l’utilité sociale, on a quelque peu dépassé le but, et cela de deux façons :
    Premièrement il semble qu’il aurait suffi de limiter le droit de propriété aux terres qui ont été l’objet d’un travail effectif. C’est ce qu’a fait la législation musulmane qui plus conforme aux principes de l’économie politique que la nôtre qui l’aurait cru n’admet la propriété individuelle que sur les terres qui ont été l’objet d’un travail effectif et qu’elle appelle les terres vivantes par opposition à la terre en friche qu’elle appelle la terre morte et qui doit rester propriété collective. « Quand quelqu’un aura vivifié la terre morte, dit le prophète, elle ne sera à aucun autre, et il aura des droits exclusifs sur elle ». Et voici les travaux qui feront ainsi passer la terre sous le régime de l’appropriation : « Faire sourdre l’eau pour l’alimentation ou l’arrosage, détourner les eaux