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Page:Gilkin - La Nuit, 1897.djvu/257

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Pour transplanter l’amour, piteux frisson physique,
Aux jardins merveilleux de la Rose mystique,
Aux filles de Caïn tu donnas la musique.

Dieu, père du bourgeois et du pharisien,
Regarde son ouvrage et dit que tout est bien ;
Ton cœur d’artiste n’est jamais heureux de rien.

Mais rongé de pitié pour la maigre Nature,
Tu créas les beaux-arts, le luxe, la parure
Et les rites savants de la grande luxure.

Tu sais, pour pimenter nos ébats sensuels,
Y mêler des plaisirs ténébreux et cruels
Et la perversité des feux spirituels.

Infâmes baisers bus dans des coupes infâmes,
Guirlandes de Lesbos, lèvres jointes des femmes,
Doux lys de la mer Morte, ô chairs aux fraîcheurs d’âmes,

Incestes parfumés dans les palais royaux,
Dans les champs endormis sombres viols d’animaux,
Funèbres passions au fond des hôpitaux,

Et sur tous ces péchés, l’affreuse conscience
Qui hurle sans repos : « Pécheur, fais pénitence ! »
Voilà qui donne un peu de vie à l’existence !