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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/127

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Rédemption.


LIBERA ME, DOMINE !


Réginald pleurait. Les mains sur la bouche, il étouffait les sanglots et les hoquets qui lui montaient à la gorge. Johnny Castilloux, dans le premier banc en haut de la nef, ne dérobait pas son désespoir, et laissait librement couler ses larmes. Lui, obligé de cacher sa douleur comme une chose honteuse, était affaissé dans un banc, tout à fait en bas de la nef.

Et les supplications funèbres, les gémissements liturgiques, criés par des voix éraillées qui en rendaient la prière encore plus lamentable, montaient vers le Dien de miséricorde.

Le petit orgue ne chantait plus.

Fermé maintenant, silencieux du silence de la mort, il ressemblait à un cercueil aux dimensions disproportionnées. Celle qui le métamorphosait, le rendait si joyeux, lui donnait une âme, aux solennités du culte, les dimanches et les jours de fête, gisait au milieu de la nef entre quatre méchantes planches entourées de quelques cierges à la flamme tremblotante et terne.

Sur cette bière, qui pour tout ornement avait une étroite dentelle blanche, était couchée une croix de bois teint en noir. Malhabilement gravée au couteau, se lisait sur cette croix l’inscription funéraire suivante : Ci-gît Romaine Castilloux, décédée le 17 septembre 1892, R.I.P. À cette croix était attaché un voile en mousseline blanche.

Lorsque le curé de Paspébiac, le parrain de Romaine, se tourna vers les fidèles à l’Orate fratres, on vit que lui aussi avait pleuré.

Entre les supplications, on entendait la pluie battre le ferblanc garance du toit, et, descendant le long des gouttières, tomber avec un bruit régulier et triste.