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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/146

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Rédemption.

— Ah ! oui, je souffre énormément. Le remords, dégoût de moi-même, cancer affreux qui me ronge, me tue lentement mais sûrement.

Tenez, ajouta-t-elle, en lui avançant un X, asseyez-vous là, je ne crois plus qu’en vous. Je vous dois la vérité et toute la vérité.

Alors, Claire commença l’aveu de ses fautes :

— Après que vous fûtes parti, le lendemain de la réception chez le juge Vaillaneourt, personne n’ayant su quelle direction vous aviez prise ni quel était le motif de votre départ précipité, j’éprouvai un vif chagrin. Ce chagrin ne fit que s’accentuer avec l’absence. Vous me permettez bien, n’est-ce pas de vous avouer ces choses, puisque j’ai promis de vous dire toute la vérité.

Je ne pouvais me consoler de votre départ, quand quelques jours plus tard, eut lieu un bazar au bénéfice d’une de nos institutions de charité. Ce bazar fut clôturé par un dîner auquel se donna rendez-vous le tout Montréal.

En ce temps-là, toutes les portes m’étaient ouvertes à deux battants, et même il n’y avait pas d’éloges assez flatteurs sur mon passage. J’allai donc à ce dîner. Je fus du nombre des jeunes filles de bonne famille qui tenaient à honneur de servir. Après le repas, les jeunes filles se mirent à table et furent servies à leur tour par les jeunes gens qui se donnaient beaucoup de mal pour leur être agréables.

Pour mon malheur et pour celui d’autres, peut-être, le champagne moussa trop abondamment dans nos coupes. Jamais nous n’eussions osé boire de bière et autre liqueurs enivrantes, comme trop vulgaires, tandis que, — insensées que nous étions — nous nous grisâmes avec cette boisson fatale. Je bus plus que de raison, par bravade, et trouvant très drôle cette liqueur froide et dorée qui nous remplissait d’une gaieté folle et bruyante.

Que se passa-t-il ensuite, je l’ignore ?