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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/147

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Rédemption.

Seulement, aujourd’hui je me rappelle que M. Raoul Mensy, qui ne manquait pas de charmes, ne m’avait pas quittée de la soirée. Tout le temps du dîner, il s’était tenu à mes côtés, remplissant mon verre dès qu’il était vide.

Lorsque je m’éveillai, le lendemain, quelle ne fut pas mon horreur de me retrouver dans une chambre étrangère que je ne tardai pas à reconnaître pour une chambre d’hôtel.

Et dans quel état ! ah ! mon Dieu ! jamais, non jamais, je ne l’oublierai.

J’étais seule.

Prise d’une terreur folle, je me hâtai de fuir cet hôtel maudit, mais je n’en avais pas franchi le seuil, que déjà j’entendis, derrière moi, une remarque qui me fit monter le rouge au front, un de ces mots auxquels en dépit de ma déchéance je n’ai jamais pu m’habituer depuis.

Oh ! le remords de la première faute, c’est un supplice intolérable.

Et quand je dis faute, je me juge sévèrement, monsieur Olivier, croyez-moi. Je vous jure que dans toute cette épouvantable aventure, je n’ai été coupable que d’étourderie et d’imprudence en buvant de ce champagne.

Mais lui, ou eux, quels qu’ils soient, qui m’ont entraînée inconsciente dans cette chambre garnie, je prie Dieu de leur pardonner la vie qu’ils ont brisée, l’âme qu’ils ont perdue peut-être.

Huit jours plus tard, ma bonne tante mourait. Sans personne, désormais, pour me guider de ses conseils, avec un caractère capricieux, une âme ardente et sensible, je devenais une proie facile à tous ces loups affamés qui, sans cesse, rôdent autour de la femme.

Au nombre des personnes qui vinrent me témoigner leurs sympathies sincères, conventionnelles, ou intéressées, se trouva M. Yvon Lussier.

Ce dernier se montra si généreusement et si délicatement