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Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/130

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joie d’une âme soulagée, cet allégement d’un esprit délivré, ce bonheur apprécié qui est fatal ; car le sort est généreux en cela qu’il nous laisse le bonheur tant que nous ne le sentons pas, et puis si quelque imprudent ose dire : Que je suis heureux ! alors le destin se révolte, le monde crie au scandale, et quelque bonne catastrophe vient aussitôt rétablir l’équilibre dans le cœur, c’est-à-dire les regrets, la crainte et l’ennui ; et le front qui s’élevait s’abaisse, et la voix qui chantait s’éteint, et tout rentre dans l’ordre accoutumé.

Tancrède était fatalement heureux ; il venait d’écrire à sa mère le changement de sa position, qu’il avait expliqué par un mensonge ; il lui renvoyait aussi, avec une généreuse usure, la somme qu’elle lui avait donnée en partant. Cette longue lettre, écrite avec plaisir, avait renouvelé sa joie. Il ne pouvait tenir en place, il se promenait dans sa chambre, il se parlait, se racontait à lui-même ses projets ; enfin, pour employer son agitation, il prit sa canne et son chapeau, et s’en alla faire des visites. Sa canne et son chapeau ! remarquez bien cela, ces