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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/119

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Canada. Je sais, en ce qui concerne la France, que vous trouverez tout juste dans son immense production un auteur prêt à confesser que les terrains vagues autour de Paris sont dépassés en beauté par les Alpes autour de Vienne, et que le sonnet d’Arvers est d’un développement moins varié que les Lusiades. Peut-être est-ce par politesse, et manque-t-on de tact à parler de ses défauts… Mais ni Heine, ni Nietzsche ne se sont sentis assez polis pour dissimuler à l’Allemagne, quand ils le crurent nécessaire, sa servilité et sa lourdeur, et si j’étais un écrivain et non un prince, ou simplement si j’avais un nom au lieu d’un numéro à ajouter à mon prénom, je n’hésiterais pas à faire comme eux. Je crois cependant qu’aujourd’hui ce serait ne pas être juste. On ne peut guère accuser un pays que s’il se détourne de la voie que Dieu lui a tracée, s’il renonce à sa mission et à ses vocations, et, au-dessous d’apparences attristantes, je n’ai pas l’impression que l’Allemagne, ni pendant la guerre, ni depuis, y ait renoncé. Nous parlerons de cela un autre jour, mais apprenez que c’est une impropriété de parler d’une Allemagne en guerre, et d’une Allemagne en paix. Il n’y a que l’Allemagne. Entre la paix allemande et la guerre allemande, il n’y a pas, comme entre la paix française et la guerre française, une différence de nature, mais de degré. La guerre ne transforme ni nos âmes ni nos mœurs. Le jour de la mobilisation, les sergents n’ont pas eu à distribuer à nos soldats, comme ils le devaient en Angleterre et en France, avec les musettes et les jambières, des sentiments homicides nouveaux pour eux et à leur en apprendre le maniement. De 1914 à 1918, les