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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/202

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cerveau premier pour le dévouement et le badinage dans le drame depuis la petite Shylock. Pas l’ombre d’une veine, d’une artère, n’apparaissait sur sa peau, — la peau la plus reconnaissante après celle de Jacqueline May, et il semblait évident que du cœur artères et veines allaient tout droit en rayonnant à travers la chair, comme chez Judith. Elle était nu-tête. Ses cheveux ondulés avec la raie large d’un petit doigt étaient les plus confiants qu’on ait vus depuis Mary Garden. Jamais un corps n’avait été à ce point le désaveu du mesquin et du mensonge et provoqué sur lui le doux écartèlement des chants de Salomon. Mais tout cela pouvait ne point exclure d’ailleurs, chez le même être, les manies et les mensonges de l’âme.

Elle regardait avec dégoût les objets en peau de lézard.

— Le vieux serpent change aujourd’hui de peau, me dit-elle. Au panier !

Telle était Lili David, créature de cet enfer que j’adore, et qui appartient, aurait dit Lieviné Lievin, au démon et non à Wirth. Ses prunelles où se mêlaient et s’emmêlaient tous les personnages des dessins de Rembrandt, avec la petite lampe de la synagogue seule veillant, ses mains indépendantes de femme qui a l’habitude de prier les mains disjointes, son sourire uni par tant de pourpre à sa pensée, tout indiquait, — c’est toujours ainsi d’ailleurs le jour où l’on a besoin de quelqu’un pour coudre vos boutons et faire votre valise, — une créature pour qui la mort était le moindre châtiment et la béatitude la première petite récompense. Dans un autre temps, j’aurais