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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/217

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— Ah ! petits paresseux, vous ne payez pas les Francs !

Ici, il tomba en avant, et je ne vis plus rien.

*


À neuf heures, un officier pommadé vint chercher Lieven, qui affectait de croire, pour obtenir mon adresse à Paris, que je lui avais sauvé la vie, et qui nous quitta en cherchant par quoi il pourrait bien dégoûter son garde. À dix heures, ce fut mon tour. Les nouvelles, d’après mon surveillant, n’étaient pas bonnes. On disait que Zelten était tué. La vérité était que les armuriers téléphonaient à la police dès qu’un étudiant leur avait acheté un revolver. Mais le revolver n’est pas le signe caractéristique des assassins d’hommes d’État : c’est le petit pain et la barre de chocolat que l’on trouve toujours dans leur poche ; et les indications des boulangers sont plus précieuses, en révolution, que celles des armuriers. Zelten était sain et sauf. Il avait lu mon nom dans la liste des prisonniers et c’était lui qui m’appelait.

Il s’était logé à la Résidence. Pour l’atteindre, il fallait accomplir un chemin terrestre comparable à la route d’eau que je suivais avec Elsa pour le rejoindre jadis aux bains Ungerer, par une série de couloirs à vitraux, par la grotte des Moules, la salle des Singes et l’escalier en papier mâché. Puis, après les quatre salons des 60 panneaux des Niebelungen, peints par Schnorr von Carolsfeld, la cour de la Pharmacie, la salle d’Hercule et le salon Blanc, j’arrivai enfin à la salle d’Or, salle du Trône, où je trouvai Zelten tout