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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/23

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tais parfois, tous les fils qui me liaient à mes amis de Berlin, de Dresde ou de Munich tranchés, désorienté sur mon côté allemand et comme le chien auquel on a coupé à droite la moustache-antenne qui lui donne sa seconde vue et sa seconde ouïe. L’Allemagne est un grand pays humain et poétique, dont la plupart des Allemands se passent parfaitement aujourd’hui, mais dont je n’avais point trouvé encore l’équivalent, malgré les recherches qui m’ont conduit à Cincinnati et à Grenade. L’Allemagne est une vallée où débouchent, au milieu d’un populaire parfois sans goût et de chefs sans grande conduite, comme le métro dans la terrasse de la Rotonde, des souterrains où les Allemands se croient malins de murer à la fois les armes soustraites au Contrôle et les vérités de leur pays, mais où nous étions pas mal en Europe à vouloir cogner. L’Allemagne est une grande plaine créée pour les invasions, et où la France d’ailleurs, depuis quarante ans, n’a pu expédier que la cohorte semestrielle de huit boursiers d’agrégation, mais j’avais été l’un d’eux et je ne renonçais pas à ma conquête. Un pays où les espèces sentimentales sont à ce point matérielles qu’il est aussi nécessaire d’en posséder les appellations que celles du pain et de la bière, mais j’avais besoin d’une race où les mots qui signifient Âme ou Intime, ou Moteur animal, sont les premiers du Baedeker, au vocabulaire pour cochers. J’avais gardé de Zelten, qui le personnifiait pour moi, un souvenir qui ne m’avait jamais permis de l’englober dans cette haine pour l’injustice et l’Allemagne que tous les Français, à part ce collectionneur de timbres d’Asnières qui légua ses Îles