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Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/33

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vit à l’écart et se consacre, paraît-il, à une critique de la Constitution de Weimar. Il est hors de doute qu’il agit de bonne foi. Puisque je pars dans deux jours pour Munich, où il habite, tu auras la semaine prochaine tous les renseignements. Mais que vois-tu de si extraordinaire dans cette copie à distance ?

Zelten, depuis mon arrivée à la Rotonde, m’avait installé à la terrasse, malgré le gel, et avait déjà changé trois fois de place. De chaque table, il plongeait ses regards dans les ténèbres, cherchait, et déménageait à nouveau. Enfin ses yeux brillèrent, il s’assit tout joyeux, et comme on dit dans les romans réalistes, il fallut que ce fût un picon-grenadine.

— Cher Jean, dit-il, j’ai aujourd’hui pas mal de confidences à te faire. Elles te surprendront, et elles ne ressemblent guère à celles que tu aurais entendues voilà sept ans. Mais nous avons été séparés juste par les années où nous étions appelés à nous rendre compte du monde et de son mouvement, et je doute que Newton, Archimède et Copernic se soient confiés de même façon à leur ami avant et après leur découverte. Ce n’est pas en voyant tomber des pommes, mais des Allemands (et un pauvre gros que je vois encore, qui rebondit !), que j’ai pris conscience des forces qui m’emportaient et qui emportaient l’Allemagne. Puisque ton affaire S. V. K. te tourmente, je crois qu’il est possible de t’en donner une explication sans recourir à cette hypothèse de notre mauvaise foi, dont vos astronomes se servent pour expliquer le mauvais temps et vos ménagères le prix délirant de la langouste. À ce propos, je t’avoue que jamais je n’ai éprouvé autant de surprise à voir la