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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/42

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son esprit, une vraie jonchée de cadavres ; puis il les ressuscita successivement, dans l’espérance que ce n’était pas celui qu’il avait cru qui lui était demandé ; et malheureusement sa situation était telle qu’il lui fallait passer en revue comme possibles, comme probables, les actions les plus atroces.

« Voyons, se disait-il avec un frisson, est-ce que ce serait Palazzi que cet ange me désignerait ? »

Palazzi ! Il vit dans son imagination la personne maigre, efflanquée, ravagée, de ce bon vivant caduc. Il vit ses cheveux teints, son chapeau sur l’oreille, son gilet de velours, sa chaîne d’or, sa petite canne à pommeau de cornaline ; il vit surtout son sourire grimaçant, et il entendit sa bouffonnerie favorite.

« Est-ce que Palazzi l’aurait offensée ? Est-ce qu’il s’opposerait à notre amour ? Ah ! le misérable !… Mais pourquoi ? que lui importe ? Il ne s’est jamais mêlé de rien ! Je ne lui ai rien fait. Pour trois ou quatre guinées qu’il m’a empruntées et que je ne l’ai jamais pressé de me rendre, il ne m’aurait pas mis à la porte de chez lui. Ce n’est pas Palazzi, et d’ailleurs, si je le tuais et