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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/41

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n’envoie à quelqu’un que pour qu’il s’en serve, et le mouchoir rouge montrait ce qu’il en fallait faire. En langage du pays, c’était aussi clair que l’annonce d’une enseigne en lettres d’or sur une boutique de la rue de la Paix.

Ce qui ne l’était pas autant, c’était de savoir quelle était la victime désignée. En proie à une émotion excessivement violente et très compréhensible, Gérasime s’assit, les deux coudes appuyés sur sa table, pâle comme un mort, pâle comme un homme à qui une femme adorée commande tout droit de tuer quelqu’un, qui trouverait déshonorant de refuser, qui juge bon, utile, nécessaire, indispensable de le faire, mais qui ignore complètement quel est ce quelqu’un, et qui ne laisse pas que d’avoir une arrière-crainte obscure de l’autorité judiciaire, pointe assez piquante au milieu de tant d’autres sensations.

Qui fallait-il tuer ? Là était la question, et plus il l’examinait, plus il devenait perplexe. Car d’aller s’en prendre à une victime innocente, il n’y avait pas d’apparence de bon sens. Ne pas se tromper était essentiel. Mais qui-était-ce ? Il fit en quelques instants, au fond de