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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/72

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on lui eût mis dans les mains les quatre livres de Confucius en original.

L’imagination de Henry Norton n’avait pas besoin de beaucoup d’aide pour s’exciter. En cette circonstance, elle se monta d’elle-même au seul contact de si singuliers personnages. Une île de l’archipel grec dans toute sa grâce merveilleuse, représentée par deux vieux débris de la noblesse européenne ; ces deux vieux débris ne parlant que le grec, ne sachant quoi que ce soit de ce qui se passait dans le vaste monde, en ce temps de bavardage où chacun est plus au fait des affaires d’autrui que des siennes propres, et, par cette ignorance singulière, semblant vouloir prouver que leur habitation, éloignée seulement de quelques heures d’Athènes, se trouve plus loin, en fait, de l’univers civilisé, que les provinces centrales de l’Amérique, c’était là un de ces paradoxes violents tels que le capitaine de l’Aurora les adorait. Cependant celui-là lui parut si fort, qu’avant d’en savourer le charme il en voulut avoir la démonstration, et ses amis improvisés ne se firent pas prier pour la lui administrer complète.