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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/112

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ques heures de plus à ses exercices, où elle avait tour à tour à ses côtés mon père, comme surveillant, et l’ami Pfeil pour lui servir d’exemple et l’encourager.

Une fantaisie particulière de mon père nous causa beaucoup d’ennuis : ce fut l’éducation des vers à soie, dont il attendait de grands avantages, si elle pouvait être plus généralement répandue. Quelques amis de Hanau, où l’on se livrait très-assidûment à cette industrie, lui en donnèrent la première idée : ils lui envoyèrent des œufs au bon moment, et, dès que les feuilles des mûriers parurent assez développées, on fit éclore les vers, et l’on prit le plus grand soin de ces petits êtres à peine visibles. On disposa dans une mansarde des tables et des tréteaux couverts de planches, pour leur offrir plus d’espace et de nourriture, car ils grossirent rapidement, et, après la dernière mue, ils devinrent si affamés qu’on pouvait à peine se procurer assez de feuilles pour les nourrir. Il fallait les en fournir jour et nuit, car l’essentiel est qu’ils ne manquent pas de nourriture dans le temps où doit s’opérer en eux la grande et merveilleuse métamorphose. La température était favorable, et l’on pouvait considérer cette occupation comme un amusement ; mais il vint du froid, les mûriers souffrirent, et cela fit beaucoup de mal ; ce fut pire encore quand la pluie survint dans la dernière époque ; car les vers ne peuvent souffrir l’humidité. Il fallait soigneusement essuyer et sécher les feuilles, ce qui ne pouvait toujours se faire bien exactement. Par cette cause ou par une autre, diverses maladies affligèrent le troupeau, et les pauvres créatures furent emportées par milliers. La pourriture exhalait une odeur vraiment pestilentielle, et, comme il fallait enlever les morts et les malades, et les séparer des bien portants, pour en sauver seulement quelques-uns, ce fut en réalité une occupation extrêmement pénible et rebutante, qui fit passer aux enfants de bien tristes heures.

Après avoir employé les plus belles semaines du printemps et de l’été à soigner les vers à soie, nous dûmes aider notre père dans un travail plus simple, mais tout aussi désagréable. Ces vues de Rome, pendues si longtemps aux murs de la vieille maison, avec leurs baguettes noires en haut et en bas, avaient bien jauni par l’effet de la lumière, de la poussière et de la