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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/660

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de ponts, de balustrades et de doux sentiers ; on voyait les demoiselles en robes blanches dans de gracieux chemins ; elles n’étaient pas seules : dans un jeune homme, on reconnaissait Bertouch, dont les vues sérieuses sur l’aînée n’étaient pas un mystère, et Kraus ne trouvait pas mauvais que l’on se permît, à la vue d’un autre jeune homme, de faire allusion à lui et à sa passion naissante pour la sœur.

Hertouch, comme élève de Wieland, s’était tellement distingué par ses connaissances et son activité, qu’il était devenu le secrétaire du grand duc, et faisait concevoir les plus belles espérances. L’honnêteté, la sérénité, la bonhomie de Wieland furent l’objet de longs entretiens ; ses beaux projets poétiques et littéraires furent dès lors signalés en détail, et l’effet du Mercure en Allemagne apprécié ; bien des noms furent cités, comme intéressant la littérature, la politique, la société, ainsi, par exemple, Musaeus, Kirms, Berendis et Loudecous. Parmi les femmes, Mme Wolf, une veuve, Mme Kotzeboue, avec son aimable fille et un gentil petit garçon ; bien d’autres encore furent dépeints d’une manière avantageuse et caractéristique. Tout annonçait une vie animée, active, vouée aux arts et à la littérature. Ainsi se dessinait peu à peu le monde sur lequel le jeune duc devait agir après son retour ; la situation avait été préparée par madame la grande tutrice ; mais selon le devoir des administrations provisoires, l’exécution des affaires importantes avait été réservée à la volonté et à l’énergie du futur souverain. On considérait déjà comme l’occasion de déployer une activité nouvelle les affreuses ruines de l’incendie du château ; les mines d’Ilmenau, dont l’exploitation était interrompue, mais dont on avait su rendre possible la reprise par le coûteux entretien de la profonde galerie ; l’académie d’Iéna, qui était restée quelque peu en arrière de l’esprit du temps, et menacée de perdre de très-habiles professeurs, éveillaient un noble patriotisme. On cherchait de tous côtés, dans l’industrieuse Allemagne, des personnes qui pussent être appelées à seconder tous ces progrès. Ainsi se déployait une perspective animée, telle que pouvait la désirer une forte et vive jeunesse. Et, s’il paraissait triste de convier une jeune princesse dans une très-modeste demeure, bâtie pour une tout autre