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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/661

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destination, et qui n’avait point la dignité convenable, les villas d’Ettersbourg, du Belvédère, ainsi que d’autres belles maisons de plaisance, bien situées et bien’établies, offraient des jouissances présentes, avec l’espérnnce d’un revenu et d’une agréable activité dans cette vie champêtre, devenue alors une nécessité.

On a vu avec détail dans le cours de cet exposé biographique comment l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, chercha par des voies diverses à s’approcher du transcendental ; porta d’abord avec affection ses regards vers une religion naturelle ; s’attacha ensuite avec amour à une religion positive, puis, se recueillant en lui-même, essaya ses propres forces, et finit par s’abandonner avec joie à une croyance universelle. Tandis qu’il allait et venait dans les intervalles de ces régions, qu’il cherchait, regardait autour de lui, il rencontra bien des choses qui ne pouvaient appartenir à aucune d’elles, et il crut reconnaître de plus en plus que le mieux était de détourner sa pensée de l’infini, de l’inaccessible. Il crut découvrir dans la nature vivante et sans vie, animée et inanimée, quelque chose qui ne se manifeste que par des contradictions, et, par conséquent, ne pourrait être compris sous aucune idée, bien moins encore sous un mot. Ce quelque chose n’était pas divin, puisqu’il semblait irraisonnable ; il n’était pas humain, puisqu’il n’avait pas d’intelligence ; ni diabolique, puisqu’il était bienfaisant ; ni angélique, puisqu’il laissait souvent paraître une maligne joie. Il ressemblait au hasard, car il ne montrait aucune suite ; il avait un peu l’air de la Providence, car il offrait un enchaînement. Tout ce qui nous limite semblait pénétrable pour lui ; il semblait agir en maître sur les éléments nécessaires de notre existence ; il resserrait le temps et il étendait l’espace. Il semblait ne se plaire que dans l’impossible et repousser le possible avec mépris. Cet être, qui paraissait pénétrer parmi tous les autres, les séparer, les unir, je l’appelai « démonique, » à l’exemple des anciens et de ceux qui avaient observé quelque chose de pareil. J’essayai de me dérober à cet être redoutable, en me réfugiant, suivant ma coutume, derrière une figure.

Au nombre des parties détachées de l’histoire que j’avais étudiées avec plus de soin, se trouvaient les événements qui ont