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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/146

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rendu ? Il faut quelqu’un qui puisse faire cela pour les presbytères et les châteaux. »

M. de Montalembert a de longs cheveux gris et plats, une face pleine, des traits de vieil enfant, un sourire dormant, des yeux profonds mais sans éclairs, une voix nasillarde et manquant de mordant, une amabilité douce et reposée, une caresse féminine des manières et de la poignée de main, une robe de chambre cléricale.

— Je suis triste, et j’entends sur le marbre de la servante du salon tomber, une à une, avec un bruit mou et floche — une chute à voix basse — les feuilles d’un gros bouquet de pivoines — et, au-dessus et au-dessous de ma chambre, des éclats de rire de femmes.

— Je suis tombé sur du Victor de Laprade. Je n’y ai vu que des seins de jeunes filles palpitant sous des baisers de jeunes hommes. Les poètes sont comme les enfants : ils peuvent tout montrer. Je suis sûr qu’on permettrait à Béranger de mettre Justine en couplets. La rime et la gaudriole, ça excuse, ça autorise les choses les plus cochonnes ; — mais que si vous vous avisez de parler en prose et de tenter le cru, le vrai, le philosophique : les Legonidec sont là.

16 juin. — Déjeuner chez Chennevières à Versailles. Chennevières tout heureux, tout réjoui. Il vient d’acheter, dans le Perche, Saint-Santin, une