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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/40

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autour d’elle une certaine excitation de l’esprit et de mettre les imaginations en verve, — là arrivent le peintre Hafner, le plus bredouilleur des Alsaciens ; Valentin, le dessinateur de l’Illustration ; Deshayes, le petit maître aux tonalités grises, et le blond coloriste Voillemot, avec sa tignasse d’Apollon roussi, et Galetti, et le tout jeune Servin, et d’autres, et d’autres, et c’est toute la soirée un tapage et une débauche de paroles, que de temps en temps, solennellement, le maître de la maison réprime par un « Où te crois-tu ! » indigné.

Dans les raisons que X… a données à son père, pour qu’il lui fournît les fonds nécessaires à son commerce, il a fait entrer l’énorme économie qu’il réaliserait en n’allant plus au café, et le malheureux en tient un gratis !

— Un soir, le monde de la boutique se décide à faire une excursion dans la forêt de Fontainebleau, à passer quelques jours chez le père Saccaux, à Marlotte, la patrie d’élection du paysage moderne et de Murger. Pouthier ferme le magasin. Mélanie met sa toilette la plus pimpante, réunissant sur sa personne tous ses bijoux ; et nous voilà dans cette forêt, où chaque arbre semble un modèle entouré d’un cercle de boîtes à couleurs. Là, de grandes courses à la suite des peintres et de leurs maîtresses en joie, et comme grisées par le plein air de la campagne : des jours qui ressemblent à des dimanches d’ouvriers. On vit en famille, en s’empruntant son savon, et on