Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De là, sa drolatique Militairiana.

Heureusement, Jacques avait un capitaine qui se pâmait d’aise à ses charges, et qui le faisait appeler à tout moment :

— Ah ! cré nom de D… ! qu’est-ce que c’est, Jacques, encore un manquement de service, f… Je devrais vous faire fusiller, sacré nom de D… ! Je vous ferai f… huit jours à la salle de police, nom de D… ! Tenez, f…-vous là, et faites-moi la femme de l’adjudant. — La charge faite — Ce bougre-là, c’est charmant, charmant… oh ! que c’est bien la femme de l’adjudant. » Et aussitôt, par la fenêtre : « Lieutenant, venez voir la charge de ce bougre de Jacques ! »

Millet, un fils de paysan auprès de Cherbourg. Tout jeunet, en revenant de la ville où il avait vu des images, crayonnait et dessinait, et tourmentait son père à l’effet d’avoir des sous pour acheter des crayons. Ses premiers dessins furent les copies des images de piété du livre de messe de sa grand’-mère. À quelques années de là, mené chez un maître de dessin à Cherbourg par son père qui lui montrait les crayonnages de son fils, le maître de dessin disait : « C’est un meurtre de laisser aux champs un enfant comme ça ! » Alors la ville de Cherbourg lui faisait une petite pension qui lui permettait d’entrer à l’atelier de Paul Delaroche.

Sa femme, une vraie paysanne, ne sait ni lire ni écrire. Quand Millet s’absente, le mari et la femme correspondent par des signes dont ils sont convenus.