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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/104

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voitures à bras promènent sur le pavé de petites fabriques roulantes de crêpes.

La Halle est curieuse. Là, où se vendait la marée, tous les étaux vendent de la viande de cheval, et au lieu de beurre, l’on débite de la graisse d’animaux inconnus, en forme de grands carrés de savon blanc.

Mais l’animation, le mouvement sont au marché aux légumes, que le maraudage fait encore abondants ; et il y a foule autour de ces petites tables, chargées de choux, de céleris, de choux-fleurs, qu’on se dispute, et que des bourgeoises emportent dans des serviettes. Dans ce bruit d’offres, de paroles, de plaisanteries, d’injures, soudain de gros : « Hélas, mon Dieu ! » bruyamment soupirés par les vendeuses, devant la bière d’un franc-tireur, qu’on entrevoit entre les rideaux entr’ouverts d’une civière, le transportant à son domicile.

Vendredi 2 octobre. — De ma fenêtre, voici ce que je vois, — la couleur d’une canonnade.

Au-dessus de Meudon, un haut de ciel, auréolé de grands rayons blancs, semblable à ces effets de lumière électrique, avec lesquels Gudin aime à éclairer l’orage de ses mers. Au-dessous, le coteau et son fourré vert apparaissant, un moment, à travers la déchirure des vapeurs, presque aussitôt refermée, et vous mettant dans les yeux le paysage, avec les intermittences de vision brouillée et de claire vision, données par une lunette, dont on cherche le point.