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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/145

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Chose surprenante ! au milieu de la dévastation qui a fait rage en ce pauvre logis, dans un coin, sur une chaise, la seule restée intacte, est posé à plat, entr’ouvert, un vieux livre à tranche rouge, le livre tel qu’il a été laissé par le propriétaire, après sa dernière lecture.

Le ciel est gris de gros nuages qui semblent des tourbillons de cendre, les coteaux de Saint-Cloud sont d’un bleu noirâtre, et la ruine du château paraît déjà une ruine de cent ans. Cela, au milieu des fumées rousses de quatre ou cinq incendies autour de l’église, je le regarde, par dessus les blancheurs des tombes d’un cimetière, dont le mur, déchaperonné, a été converti en barricade et garni de sacs de terre, tandis que les rafales de vent font claquer les persiennes de fenêtres ouvertes des maisons désertes. J’ai un âpre, presque un cruel plaisir, à me promener dans cette désolation, dans cette mort des choses, à travers une bise qui vous remplit les yeux de larmes.

 

Il y a je ne sais quoi de réconfortant à battre le pavé, dans cet aboiement, faisant retentir le boulevard, sous les voix de crieurs : « La Reprise d’Orléans par l’Armée de la Loire », oui, je ne sais quoi de réconfortant, à marcher comme dans une résurrection de Paris.

Mercredi 16 novembre. — Le plaisir chez les