Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

lades et des maladifs, achevés par le régime, les privations continuelles. Cette mortalité est faite beaucoup par le chagrin, le déplacement, la nostalgie du chez-soi, du coin de soleil que possédaient les gens des environs de Paris. Dans la petite émigration de Croissy-Beaubourg (vingt-cinq personnes au plus), il y a déjà cinq morts.

Lundi 26 décembre. — On a découvert, pour l’appétit mal satisfait des Parisiens, un nouveau comestible : c’est de l’arsenic. Les journaux parlent, avec complaisance, de l’élasticité que donne ce poison aux chasseurs de chamois de la Styrie, et vous offrent, comme déjeuner, un globule arsénieux d’un docteur quelconque.

Par les rues qui avoisinent l’avenue de l’Impératrice, je tombe dans une foule menaçante, au milieu d’affreuses têtes de vieilles femmes, embéguinées de madras, et qui ont l’air de Furies de la canaille. Elles menacent de dépioter les gardes nationaux qu’on voit, en sentinelles, fermer la rue des Belles-Feuilles.

Il s’agit d’un dépôt de bois, avec lequel on fait du charbon, et qu’on avait commencé à piller. Ce froid, cette gelée, le manque de combustible pour faire chauffer la maigre ration de viande qu’on délivre, a mis en fureur cette population féminine, qui se jette sur les treillages, les fermetures de planches, et arrache tout ce qui vient à ses mains colères. Elles