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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/243

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d’où se lèvent sur des caves effondrées, des pans de murs calcinés, garnis encore, à des hauteurs inaccessibles, de fragments de mobiliers : ici c’est une niche de poêle, là un portrait au daguerréotype, plus loin une table des règles du billard avec les tableaux à marquer, plus loin encore, dans un placard, dont le vent bat la porte, un bidet égueulé.

Partout des maisons, aux fenêtres léchées de flammes, par le trou vide desquelles s’entrevoit le bleu du ciel. Sur l’emplacement du petit hôtel Saint-Nicolas, cet hôtel, où mon frère et moi avons passé huit gais jours avec Marie, une femme est assise dans la pose d’accablement d’une statue, qui pleure sur des ruines. De la gargote historique, où tout Paris a dîné, il ne reste guère qu’un bout de mur du rez-de-chaussée, sur lequel ne se lit plus, de l’enseigne écornée, que… de la tête noire.

La grande rue de Saint-Cloud, un sentier de décombres, entre deux rangées de maisons aux façades dégringolantes, et dont se détache, à tout moment, quelque pierre. On dirait qu’on marche dans la secousse d’un tremblement de terre.

Au milieu de ces restes croulants, et qui sentent encore le feu, en ces trous de portes et de fenêtres, étayés par de grands madriers, un misérable commerce renaissant. Ici, un débit où se voit attablée la chemise rouge d’un garibaldien ; là une mauvaise petite laiterie, où, au milieu des harengs saurs se dresse, sur le rebord de la fenêtre, un obus gigantesque. Sur des volets réduits en charbon, et où la