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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/262

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journée autour du fort d’Issy, dont on aperçoit, flottant au vent, le grand drapeau rouge.

La menace de faire marcher de force contre Versailles, les bataillons favorables à l’Assemblée de Versailles, fait sauver, d’ici, les quelques bourgeois valides, qui y sont encore.

Vraiment, si les Prussiens n’étaient pas à la cantonade, il serait désirable que l’expérience du gouvernement du Comité fût complète. Oui, il serait désirable qu’il eût deux ou trois mois de victoire, pendant lesquels il aurait le loisir d’appliquer son programme secret, et de réaliser tout ce qu’il a d’anarchique et d’antisocial dans le ventre. À ce prix est peut-être le salut de la France. Cela seul donnerait à la génération actuelle l’audace de détruire le suffrage universel et la liberté de la Presse : deux suppressions déclarées impossibles par le bon sens de la médiocratie. Oui, la liberté de la Presse, car je n’ai pas plus de respect pour cette puissance sacro-sainte que n’en eurent Balzac et Gavarni. Pour moi, le journal politique n’est qu’un instrument de mensonges et d’excitation ; pour moi, le journal littéraire, le petit journal, ainsi que j’ai cherché à le démontrer dans les Hommes de lettres, n’est qu’un instrument d’abaissement intellectuel. J’aurais, je ne le cache pas, quelque curiosité de voir pratiquer ce régime. Je ne prétends pas que la France serait à jamais sauvée de la démagogie, mais mon régime à reculons pourrait bien donner à la société plus d’années de paix que ne lui ont donné, depuis soixante-dix