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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/263

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ans, les impuissants essais de conciliation entre l’autorité et la liberté.

Je lis aux rayons de la lune une affiche de cannibale, qui, parlant « des assassinats des bandits de Versailles », proclame une loi de représailles, annoncée dans cette ligne significative : « Œil pour œil, dent pour dent. » Si Versailles ne se dépêche pas, nous verrons la rage de la défaite se tourner en massacres, fusillades et autres gentillesses de ces doux amis de l’humanité.

Jeudi 6 avril. — Un jeune garde national passe sur notre boulevard, pleurant, pleurant comme un enfant. Est-ce un père ? est-ce un frère qu’il pleure ?

Toute la matinée, canonnade autour d’Issy, autour de Neuilly. Feu foudroyant de canons, de mitrailleuses, de mousqueterie, un feu comme je n’en ai jamais entendu du temps des Prussiens.

Une douzaine de voitures d’ambulances remonte avec moi l’avenue des Champs-Élysées. À la barrière de l’Étoile, une foule énorme regarde trois batteries versaillaises établies au-dessus du pont de Neuilly, et tirant contre la barricade du pont et le rempart.

Des groupes d’ouvriers sont juchés sur deux guérites. Des jeunes filles se tiennent en équilibre sur les chaînes de fer, en s’appuyant sur une épaule amie. Des Anglaises sont debout dans des mylords, stationnant en avant de la barrière, au-dessus d’une