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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/280

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Partie quelques jours avant l’insurrection pour Bellevue, elle avait emmené sa mère mourante et une bonne. On se bat au Bas-Meudon. Quatre gendarmes tombent devant son jardin. Voilà des blessés qu’il faut recueillir, qu’il faut soigner ! Le sous-sol devient une ambulance, dans laquelle meurt la vieille mère. Pas de mairie, et pas moyen d’obtenir un permis d’inhumer.

Enfin, au bout de deux jours, une petite fille court jusqu’à Meudon, et revient avec le permis, une bière et un prêtre. Mais ni porteurs, ni fossoyeurs. On se met en marche à la nuit, le prêtre et les deux femmes portant la bière. Un obus arrive, éclate. La bière est jetée à terre, et les trois porteurs se couchent à plat ventre. Un autre obus, un autre encore, et, à chaque obus, la même cérémonie.

Au cimetière, on comptait sur la pioche des fossoyeurs. Pas de pioche. Les femmes sont obligées de déposer la bière dans un coin, et avec ce qu’elles ont de pointu, de coupant sur elles, et avec leurs doigts, ramassent de la terre, dont elles la recouvrent un peu.

Cela se passait, au milieu des canonnades et des fusillades effroyables de ces jours-ci.

En descendant de chez Charles Edmond, j’entends dans un trou, comme une voix de prédicateur, j’entrevois un bout de mur peint, je descends un petit escalier, je me trouve dans la chapelle du palais du Luxembourg, où à l’orgue se mêlent les voix des petites filles des employés, confondues avec les voix