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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/281

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d’une centaine de blessés, dans leurs capotes grises, et dont le languissant défilé serre le cœur.

Dans tout le quartier, dans toutes ces officines de travail, dans tous ces cabinets de lecture, je ne vois, aujourd’hui, qu’un jeune front sur une main, au-dessus d’un livre.

La fermeture des boutiques a pris de si grandes proportions, qu’aujourd’hui le pâtissier Guerre, le pâtissier de la porte des Tuileries, est fermé.

La vie se vit, ces jours-ci, dans un état extraordinaire d’absence de l’esprit et de fatigue du corps.

Lundi 17 avril. — Un énervement tel que, quoique le bombardement soit assez bonhomme, et qu’il soit tombé aujourd’hui seulement trois obus dans mon jardin, j’en ai assez des obus. Puis j’ai besoin de quelques bonnes nuits, de nuits où je puisse dormir, et le coucher à la cave est une chose abominable : quelque couvert qu’on soit, on a toujours froid, et il semble qu’on vous souffle sur la figure un air ayant passé sur de la neige.

Je me réfugie dans un grand appartement, laissé vacant par un de mes cousins, rue de l’Arcade.

Les affaires de la Commune vont-elles mal ? Je suis étonné d’assister aujourd’hui, comme à un redressement de la population. Le boulevard est bouillonnant. Devant le passage Jouffroy, je suis surpris d’entendre des cris : À bas la Commune ! Les gardes nationaux interviennent. Une voix de stentor leur