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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/290

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Par les allées défoncées flânent une dizaine de gardes nationaux, dont l’un fait des phrases attendries sur la maternité d’une kanguroo, opposant la poche toujours ouverte de la bête au délaissement dans lequel les femmes aristo laissent leurs enfants.

Je monte le chemin du cèdre et du belvédère, le chemin gravi plusieurs fois par mon frère et par moi, pour le premier et le dernier chapitre de Manette Salomon. Ah ! si l’on m’avait dit alors : « Dans quelques années tu repasseras par ce chemin, tout seul, tout seul à jamais… et les coups de canon que tu entendras seront des coups de canon prussiens, en train de démolir peut-être ta maison ! »

Je ne vois, autour de moi, que des biches, qui fuient épouvantées, ou des buffles écoutant, dans leur immobilité stupéfaite, cet orage et ce tonnerre, — qui durent depuis cinq mois.

Tout le long de la rue de Rivoli, c’est le défilé des malles des derniers bourgeois, gagnant le chemin de fer de Lyon.

Place de l’Hôtel-de-Ville, on crie la biographie de Jules Vallès, et j’achète le canard, où mon confrère est présenté comme le type et le parangon de l’homme né « entre la réaction Orléano-clérico-légitimo-bonapartiste et la restauration de l’Empire, entre une intrigue ténébreuse et un crime tel qu’aucun qualificatif ne saurait le caractériser ».

Dimanche 23 avril. — Je passe une partie de la