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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/320

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Jeudi 18 mai. — Les grands événements tragiques donnent le courage à la femme, à la femme qui en manque le plus, et dans le dramatique, son dévouement s’exalte à un point digne de l’admiration. Je pensais cela, en écoutant le récit du déménagement héroïque, qu’a fait une bonne de la maison voisine de la mienne, et aussi en songeant à ma pauvre Pélagie, s’exposant à être tuée, à toute minute, pour chercher à sauver ma maison du pillage et de l’incendie.

Nous sommes perdus, du moment où l’Officiel, écrit si révolutionnairement mal, a des phrases comme celle-ci : « Une rétrogradation effroyable dans toutes les orgies du royalisme. » Cette littérature m’annonce que nous sommes au bord des massacres.

Je suis entraîné par la foule, au spectacle du jour, à la poudrière du Champ-de-Mars. Les rues par lesquelles je passe, n’ont plus un seul carreau. On marche sur de la poussière de vitre, et je vois une marchande de verre cassé, remplir, en un instant, sa voiture, du verre qu’elle ramasse à pleine main de fer.

Le choc a été si violent qu’il y a des devantures de boutiques, des portes cochères jetées tout de travers, et je n’ai vu rien de pareil au méli-mélo, produit dans les denrées coloniales d’un épicier. Les tuiles de l’hôpital du Gros-Caillou semblent avoir été mises en danse par un tremblement de terre.

Le Champ-de-Mars, le lieu du sinistre, dont la garde