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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/325

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Du feu, revient un petit peloton de gardes nationaux, parmi lesquels est un enfant, aux doux yeux, qui a une loque passée en travers de sa baïonnette — un chapeau de gendarme.

Toujours par groupes, le lamentable défilé de gardes nationaux graves, qui abandonnent la bataille. Un désarroi complet. Pas un officier supérieur donnant des ordres. Pas, sur toute la ligne des boulevards, un membre de la Commune ceint de son écharpe.

Un artilleur ahuri promène à lui tout seul un gros canon, qu’il ne sait où mener.

Soudain, au milieu du désordre, au milieu de l’effarement, au milieu de l’hostilité de la foule, passe à cheval, la tunique déboutonnée, la chemise au vent, la figure apoplectique de colère et frappant de son poing fermé, le cou de son cheval, un gros et commun officier de la garde nationale, superbe dans son débraillement héroïque.

Nous rentrons. À tout moment, montent jusqu’à nous, du boulevard, de grandes clameurs : des disputes et des batailles de bourgeois commençant à se rebeller contre les gardes nationaux, qui finissent par les arrêter, au milieu des huées. Nous montons dans le belvédère de verre dominant la maison. Un grand nuage de fumée blanche prend tout le ciel, dans la direction du Louvre. À cette heure quelque chose d’effrayant et de mystérieux dans cette bataille qui nous entoure, dans cette occupation qui se rapproche sans bruit, et qui semble sans combats.