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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/324

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Lundi 22 mai. — Je ne puis rester chez moi. J’ai besoin de voir, de savoir.

À ma sortie, je trouve tout le monde rassemblé sous les portes cochères : un monde agité, grondant, espérant, et déjà s’enhardissant à huer les estafettes.

Sur la place de l’Opéra, dans des groupes très clairsemés, on dit que les Versaillais sont au Palais de l’Industrie.

La démoralisation et le découragement sont visibles chez les gardes nationaux, qui reviennent par petites bandes, tristes, éreintés.

Je monte chez Burty, et nous ressortons aussitôt pour nous rendre compte de la physionomie de Paris.

Il y a un rassemblement devant la devanture du pâtissier de la place de la Bourse, qui vient d’être déchirée par un obus. Sur le boulevard, devant le nouvel Opéra, s’élève une barricade, faite avec des tonneaux remplis de terre, une barricade défendue par quelques hommes, à l’aspect peu énergique.

Dans le moment, arrive en courant un jeune homme, qui nous annonce que les Versaillais sont à la caserne de la Pépinière. Il s’est sauvé, voyant des hommes tomber à côté de lui, à la gare Saint-Lazare.

Nous remontons le boulevard. Des ébauches de barricades devant l’ancien Opéra, devant la porte Saint-Martin, où une femme, en ceinture rouge, remue des pavés.

Partout des altercations entre les bourgeois et les gardes nationaux.