Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/328

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voiture en criant d’une voix désespérée et expirante : — « C’est à se faire sauter la cervelle ! »

La voiture part. Le boulevard redevient vide, et l’on entend pendant longtemps une canonnade rapprochée, qui semble éclater à la hauteur du nouvel Opéra.

Puis le trot lourd d’un omnibus, à l’impériale chargée de gardes nationaux, penchés sur leurs fusils.

Puis les galopades d’officiers d’état-major jetant aux gardes nationaux, ramassés sous nos fenêtres, la recommandation de prendre garde d’être cernés.

Puis l’arrivée de brancardiers remontant le boulevard, dans la direction de la Madeleine.

Pendant ce, la petite Renée pleure, parce qu’on ne veut pas la laisser jouer dans la cour. Madeleine, sérieuse et pâle, a des tressautements à chaque détonation. Mme Burty déménage fiévreusement des tableaux, des bronzes, des livres, cherchant et recherchant un coin reculé, où ses filles puissent être à l’abri des obus et des balles.

La fusillade se rapproche de plus en plus. Nous percevons distinctement les coups de fusil, tirés rue Drouot.

En ce moment apparaît une escouade d’ouvriers, qui ont reçu l’ordre de barrer le boulevard à la hauteur de la rue Vivienne, et de faire une barricade sous nos fenêtres. Ils n’ont pas grand cœur à la chose. Les uns dérangent deux ou trois pavés de la chaussée, les autres donnent, comme par acquit de