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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/335

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faite par une bombe, cette excavation où l’on pourrait enterrer un éléphant.

Et pendant que nous faisons la visite de la maison, et qu’elle me sert à dîner, Pélagie me conte l’installation de mon voisin César, qui n’avait pas de cave voûtée, l’installation dans l’une des miennes, pendant qu’elle prenait possession de l’autre avec la domestique dudit César, et comme quoi n’ayant rien à faire, toutes deux passaient les journées à jouer aux cartes, leurs yeux s’étant habitués à voir dans l’obscurité.

Elle me conte, lorsque la bombe est tombée dans le jardin, la crainte que le monde de la cave a eue, que la maison ne s’écroulât, tant il s’était fait une écrasante projection de terre sur le toit. Elle me conte ses chamaillades avec les fédérés, voulant enfoncer la porte, voulant s’introduire, sous le prétexte de recherches d’armes et d’hommes, et un jour après une dispute terrible, et même des pierres jetées, un dialogue s’engageant entre elles et ces hommes, qui lui donnaient un pain, dont elle manquait, en lui disant : « Vous pouvez le manger, il n’est pas volé ! » Elle me conte que, dans les derniers temps, les balles traversaient tellement la maison, que lorsque l’on voulait boire, on montait à quatre pattes l’escalier, on plaçait l’arrosoir sous le robinet de la cuisine, et tant pis pour l’eau qui se répandait, on attendait une embellie dans la fusillade, pour reprendre l’arrosoir.

Elle me conte que, tout le temps, elle a couché