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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/338

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que le nouveau sultan partageait entre ses femmes. »

Pendant que je regarde, le feu reprend à une maison d’Auteuil, sans que personne se soucie de l’éteindre.

Paris est décidément maudit ! Au bout de cette sécheresse de tout un mois, sur Paris qui brûle, voici un vent qui est comme un vent d’ouragan.

 

Des voitures passent faisant le trajet de Saint-Denis à Versailles, et ramenant sur leurs banquettes, à Paris, des personnages, que le séjour en province a faits archaïques. On dirait des guimbardes, revenant de Coblentz.

Vendredi 26 mai. — Je longeais le chemin de fer, près la gare de Passy, quand j’aperçois, entre des soldats, des hommes, des femmes.

Je franchis la clôture brisée, et me voici sur le bord de l’allée, où sont prêts à partir pour Versailles les prisonniers. Ils sont nombreux les prisonniers ! car j’entends un officier, en remettant un papier au colonel, murmurer à demi-voix : 407, dont 66 femmes.

Les hommes ont été distribués par rang de huit, et attachés l’un à l’autre avec une ficelle, qui leur serre le poignet. Ils sont là, tels qu’on les a surpris, la plupart sans chapeaux, sans casquettes, les cheveux collés sur le front et la figure, par la pluie fine qui tombe depuis ce matin. Il y en a qui se sont fait une coiffure de leurs mouchoirs à carreaux bleus.