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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/341

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Tout est prêt pour le départ, quand la pitié qui ne peut jamais abandonner l’homme, pousse quelques soldats de ligne, à promener leurs bidons au milieu des têtes de ces femmes, qui tendent une bouche altérée, dans des mouvements de grâce, et avec un œil espionnant le visage rébarbatif d’un vieux gendarme, qui ne leur dit rien de bon.

Le signal du départ est donné, et la lamentable colonne s’ébranle pour Versailles, sous le ciel qui fond.

 

Les Finances croulantes emplissent la rue de Rivoli de décombres, au milieu desquelles s’agitent des légions ridicules de pompiers de province, réalisant le type de Clodoche.

D’Auteuil, ce soir, Paris semble tout entier la proie d’un incendie, avec, à toute minute, ces élancements de flammes, que fait un soufflet de forge dans un foyer incandescent.

Dimanche 28 mai. — Je passe en voiture dans les Champs-Élysées. Au loin, des jambes, des jambes, qui courent dans la direction de la grande avenue. Je me penche à la portière. Toute l’avenue est remplie d’une foule confuse, entre deux lignes de cavaliers. Aussitôt descendu, je suis avec les gens qui courent. Ce sont les prisonniers qui viennent d’être faits aux Buttes Chaumont, et qui marchent, cinq par cinq, avec quelques rares femmes au milieu d’eux. « Ils