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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/342

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sont six mille ; cinq cents ont été fusillés dans le premier moment ! » me dit un cavalier de l’escorte.

Malgré l’horreur qu’on a pour ces hommes, le spectacle est douloureux de ce lugubre défilé, au milieu duquel, on entrevoit des déserteurs, portant leurs tuniques retournées, avec leurs poches de toiles grises ballantes autour d’eux, et qui semblent déjà à demi déshabillés pour la fusillade.

Je rencontre Burty sur la place de la Madeleine. Nous nous promenons dans ces rues, sur ces boulevards, tout à coup inondés d’une population, sortie de ses caves, de ses cachettes. Pendant que Burty, accosté à l’improviste par Mme Verlaine, cause avec elle, des moyens de faire cacher son mari, Mme Burty me confie un secret que m’avait gardé Burty. Un des amis de Burty faisant partie du Comité public lui avait annoncé, trois ou quatre jours avant l’entrée des troupes, que le gouvernement n’était plus maître de rien, qu’on devait se rendre dans les maisons, les déménager, et fusiller les propriétaires.

Je quitte le ménage, et vais à la découverte du Paris brûlé ! Le Palais-Royal est incendié, mais ses jolis frontons des deux pavillons sur la place sont intacts. Les Tuileries sont à rebâtir sur le jardin et sur la rue de Rivoli.

On marche dans la fumée, on respire un air qui sent à la fois le brûlé et le vernis d’appartement, et de tous côtés on entend le pschit des pompes. Il est encore, dans des endroits, des traces, des restes horribles de la bataille. Ici c’est un cheval mort, là,