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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/374

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dures choses, qu’il avait été au moment de se marier avec une charmante jeune personne de la société, dont il était très épris, qu’il a dû rompre parce que cette charmante jeune fille cachait le monstrum horrendum. « Ça avait été, ajoute-t-il, une tentative d’attraper le bonheur domestique, et la chose relative à la femme étant réglée, on pouvait se donner une bosse de travail, mais il faut faire encore de la putain, et je n’ai pour ces dames qu’un goût médiocre. »

Puis il me parle d’une pointe qu’il a poussée en Italie, de la belle pâte, de la belle matière que les Vénitiens mettaient si facilement sur leurs toiles, et il est à la recherche de cette confiture qu’il veut appliquer à la vie moderne.

30 novembre. — Pouthier (l’Anatole de Manette Salomon), le bohème original et fantasque, l’homme aux avatars si multiples d’une vie de misère, vient me voir. C’est toujours le même. Sa tête n’a pas un cheveu blanc de plus, son paletot une tache de moins.

Voici son histoire. Pendant le siège, pour manger, il s’est fait incorporer dans le 99e bataillon de la garde nationale ; il y est resté pendant la Commune, a eu le bonheur d’être envoyé à Vincennes, n’a donc pas tiré un coup de fusil. Pourquoi donc cinq mois de ponton ? Nul ne le sait, et lui encore moins que tout autre.

Le bataillon fait prisonnier, sans aucune résis-