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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/50

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forme de volontaire, vient me donner la main chez Péters.

Un garçon que j’ai connu à l’hydrothérapie dîne à côté de moi. Il hèle un monsieur au passage : — « Combien vous reste-t-il de fusils ? — Mon Dieu, à peu près 330 000, mais j’ai peur que le gouvernement ne me les reprenne ! » Et mon voisin me raconte que l’homme aux fusils, est un génie dans son genre, un voyant, qui a gagné six millions dans des affaires, que personne ne soupçonnait, qu’il achète d’un coup 600 000 fusils de rebut, à 7 francs pièce, et qu’il les revend près de 100 francs au Congo, au roi du Dahomey, et encore gagne-t-il sur l’ivoire et la poudre d’or avec lesquels on le rembourse. C’est chez lui une série d’affaires extraordinaires, toujours faites dans ces proportions : un jour l’achat de toutes les démolitions de Versailles ; un autre jour l’envoi en Chine de 100 000 systèmes de lieux à l’anglaise.

Dimanche 11 septembre. — Tout le long du boulevard Suchet, tout le long du chemin intérieur des fortifications, l’animation allègre et grandiose du mouvement de la Défense nationale. Tout le long du chemin, la fabrication des fascines, des gabions, des sacs de terre, le creusage dans les tranchées des poudrières et des caves à pétrole, et sur le pavé des anciennes casernes de gabelous, l’écroulement sourdement retentissant des boulets dégringolant des